Tous les chevaux ailés ne sont pas Pégase. Ajouter des ailes à un animal ou un personnage est courant dans certaines expressions visuelles, comme celles de l'Orient ancien, de la Grèce archaïque ou de la culture étrusque. En conséquence, le cheval de l'amphore étrusque est-il vraiment Pégase, même si l'érudition et la connaissance des mythes grecs par des commanditaires étrusques sont révélées par nombre d'images étrusques fidèles aux sources écrites grecques qui nous sont parvenues? On ne peut pas plus l'affirmer que pour la bague où un Sphinx et un cheval ailé s'affrontent. Les ailes ajoutées aux chevaux placent ceux-ci dans un contexte mythique : "cheval-éclair", dieu des orages dans des mythes orientaux remontant au IIe millénaire avant J.-C. et d'Asie mineure ; chevaux ailés attelés, liés à des interventions divines, sur le décor du Coffre de Cypsélos, une oeuvre corinthienne archaïque, en bois, ivoire et or, décrite par Pausanias qui la vît à Olympie. Pégase est le divin cheval ailé des mythes grecs, celui que les mémoires collectives des Grecs et des Romains pouvaient amener à reconnaître sur de nombreuses images de l'Antiquité classique. 

En même temps que son frère jumeau Chrysaor - à l'aspect d'homme de grande taille et père possible du triple Geryon - Pégase nait du sang de Méduse au moment où Persée tranche la gorge de cette Gorgone qui, avant de devenir monstrueuse fut séduite par Poséidon. Ce fils du dieu marin vole alors vers l'Olympe et rejoint Zeus qui lui demande d'apporter les éclairs et le tonnerre.

Il est lié à l'eau par son père et associé aux sources et aux fontaines, au monde chtonien - Hésiode nous dit que son nom vient de sa naissance près des sources du fleuve Océan. Il crée la source Hippocrène (la "source du cheval") : à la demande de Poséidon, il frappe du sabot un rocher de l'Hélicon pour réduire ce mont béotien qui enfle et s'élève dans le ciel sous l'effet envoûtant du chant des Muses, ce qui fait jaillir l'eau qui inspirera les poètes. Une source près de Trézène serait aussi apparue sous son sabot.

Ovide (Fastes) relie le jallissement d'Hippocrène à la colère de l'impétueux cheval qui vient d'être harnaché par le vaillant Bellérophon, autre fils présumé de Poséidon. C'est aussi près de la source corinthienne Pirène que d'autres poètes anciens placent la rencontre de Pégase et de son cavalier, une source et une ville qui restent associées à Pégase comme le montre le décor du gobelet de Berthouville. Selon Pausanias, Pégase, symbole monétaire de Corinthe, aurait d'ailleurs été représenté en statue sur cette fontaine, avec Bellérophon et l'eau jaillissant de son sabot. Sur les conseils d'Athéna, le héros attrape l'animal - grâce à une bride divine donnée par la déesse qui calme la fougue du cheval - puis le dompte pour aller affronter la Chimère : manipulé par un message mensonger, le roi Lycien Iobatès envoie le jeune homme à la mort en lui demandant de tuer l'invincible et cruel monstre. Monté sur Pégase, plus rapide que le souffle de feu de la Chimère, Bellérophon tue la créature d'une flèche ou, comme sur les images, de sa lance avec laquelle il introduit un morceau de plomb dans la gorge du monstre, plomb qui fond dans le souffle enflammé. Le cavalier et sa monture se dinstinguent dans d'autres hauts faits jusqu'à ce que Bellérophon, tentant par orgueil d'atteindre l'Olympe, soit désarçonné.

Le divin cheval, après avoir rejoint les écuries de l'Olympe est transformé par Zeus en constellation, une constellation représentée sous son aspect sur une hydrie de la collection du Cabinet des médailles.

Lien entre la terre et l'air, l'eau et le ciel, l'humain et le divin, Pégase accède à tous les espaces. Dans la partie supérieure du Grand camée de France - la zone céleste - il revêt un rôle psychopompe en emportant Germanicus dans l'Olympe, vers un au-delà parmi les morts héroïsés, vers son apothéose.